Mardi 30 juin 2009, Niort, cage d’escalier d’un immeuble, 2ème

 

 étage.

 

            Ce fut au tour des inspecteurs et du commissaire de Niort de se retrouver face à un meurtre. Celui-ci était moins subtil. Un septuagénaire qui avait été égorgé devant la porte de son appartement, ce matin très tôt. M. Cannel avait l’habitude, selon les voisons d'en face, de se lever vers quatre heures tous les matins pour aller faire sa marche matinale. Le médecin légiste dépêché sur place confirma l’heure de la mort. Le meurtrier avait le champ libre étant donné que les deux appartements du rez-de-chaussée étaient des cabinets médicaux, que les deux appartements du premier étage venaient d’être rachetés et étaient en travaux, les étudiants de l’appartement d’en face venaient de finir leurs examens et donc se réveillaient en ce moment vers onze heures, midi ; enfin, les locataires de l’unique appartement du troisième étage étaient partis deux jours plus tôt en vacances. Le sang recouvrait le sol du pallier et avait dégouliné dans les escaliers. C’est une patiente d’un des médecins qui s’était inquiétée d’avoir reçu une goutte de sang sur le front. Une certaine Josette Jolivert, une dame assez âgée, qui se sentit mal lorsqu’on lui annonça ce qui se trouvait deux étages plus haut.

            Punaisé à la porte de l’appartement, les enquêteurs avaient trouvé un bout de papier, découpé aux ciseaux crantés en haut et en bas. Sur ce papier, dans une jolie écriture anglaise, au feutre bleu clair, ils purent lire ce petit texte :

 

« Les sept malins avaient décidé de se retrouver à la fin de la semaine.

 

Malheureusement, le troisième malin voulut se gratter le cou avec un

 

couteau et dérapa. Il ne restait plus que quatre malins. »

 

- Ca, c’est le moindre qu’on puisse dire : il a sacrément bien dérapé, plaisanta l’inspecteur Brion.

- Ce n’est pas le moment, lui rétorqua le commissaire Plantou. Vous avez eu le mémo faxé hier soir : nous avons affaire au même tueur que pour les meurtres de Grenoble et de VilleChat.

- Euh… Chaville monsieur.

- Ah… euh… oui. Bref. Vous allez me fouiller cet appartement et me trouver une trace d’une invitation pour une cousinade samedi prochain qui aurait lieu dans le Lot.

- Tout de suite monsieur.

           

            Le commissaire Noicas qui appela le commissaire Brot en début d’après-midi :

- On a du nouveau.

- Vous avez avancé sur la piste du tueur ?

- Malheureusement non. On finit par se dire qu’étant donné la personnalité de mademoiselle Gamber, il y a peu de chances pour qu’elle ait vu son meurtrier hier. Vous auriez vu son appartement... Tout était minutieusement rangé par jour, et avec des réserves pour au moins un mois. Le meurtrier a pu mettre en place son plan depuis longtemps. Elle avait une boite de Tic Tac par jour. D’après sa mère, c’était sa gourmandise du matin : après son petit déjeuner, sur le chemin de la fac, elle s’avalait une boite entière de ces petits bonbons. Et la poche où on a retrouvé le mot était un tel bazar qu’il aurait pu être là depuis au moins un an, j’en suis certain ! Nous avons affaire à quelqu’un de très malin, mais aussi, et surtout, de très actif !

- Encore un ?!

- Oui, encore un.

- Où ça ?

- A Niort. Un homme de soixante-treize ans, égorgé devant la porte de son appartement.

- Ce tueur est non seulement futé, mais il est aussi très mobile. D’autant plus que l’équipe de Niort va se rajouter à nos deux équipes au niveau des investigations. Le tueur doit savoir ça, il a prévu que nous allions perdre du temps en discussions inutiles et en partage d’informations.

- Il faudrait que nous ayons un représentant de chaque équipe au même endroit. Nous n’avons aucune raison de garder le poste décisionnaire à Chaville, pas plus qu’à Grenoble ou à Niort.

- Etant donné que la cousinade doit avoir lieue près de Cahors, il faudrait que nous puissions nous établir là-bas.

- C’est une bonne idée, je vais voir avec le commissaire Plantou de Niort. Il faut faire très vite.

- Au fait, j’ai eu l’organisateur de la cousinade au téléphone hier soir. Il est très touché par ces disparitions. D’après lui, les deux premières victimes se connaissaient. Mais le plus grave, c’est qu’il prend comme une agression le fait de vouloir annuler la réunion.

- C’est à double tranchant : si c’est ce que veut l’assassin, ça m’embête de le lui donner et de risquer de le voir disparaître dans la nature; mais il reste quatre victimes potentielles. Plus nous réfléchissons, plus elles sont en danger.

- Les médias ?

- J’y ai pensé, mais c’est le meilleur moyen de créer un mouvement de panique. Il faudrait plutôt les contacter individuellement.

- Je ne pense pas que l’organisateur nous aide ; il va avoir peur que cela n’influe sur l’événement qu’il a préparé.

- Nous avons pris contact avec la mère de notre victime, elle nous a donné le même fascicule que celui qu’avait votre inspecteur. D’ailleurs, elle nous a appris qu’à la dernière cousinade, sa fille avait eu un petit rôle au cours de la journée : elle était chargée de remettre des cadeaux à certaines personnes âgées. Elle avait fait ça avec son cousin Grégoire Gribec, qui habite en Ardèche, et qui est âgé aujourd’hui de seize ans.

- Vous pensez que...

- Oui, je le pense fortement. Avant de vous appeler, j’ai prévenu le commissaire Galedron à Privas. Il va faire le maximum pour localiser le jeune et l’amener dans un hôpital sous bonne escorte.

- Mon dieu ! Mais que cherche ce tueur ?

- Ca, je ne le sais pas. Je suis dans le flou total. On a un grenoblois de quarante-six ans, une chavilloise de vingt-trois ans, un niortais de soixante-treize ans, probablement un ardéchois de seize ans…

- Mais si la piste de l’ardéchois se confirme, cela tournerait autour de ces cadeaux faits aux personnes âgées lors de la dernière cousinade. Etant donné que la première victime présentait les différents cadeaux offerts. Il faudrait savoir pour le niortais…

- Pour la prévention que fait-on ? Pour l’instant, les nouvelles sont locales, mais il ne va falloir plus d’un autre jour pour que la presse fasse le lien entre les affaires. Il vaut mieux qu’on les devance sur le coup, pour éviter une panique.

- Le plan d’action doit donc être le suivant : prévenir les personnes concernées par l’intermédiaire des services de police locaux, je vous propose de prendre le sud de la Loire, je vous laisse le nord et l’étranger. Mettez le maximum d’hommes sur le coup, il faut que l’information circule le plus rapidement possible, il faut que les gens soient sur leurs gardes et ne viennent pas à cette cousinade. Ensuite, il nous faut contacter à nouveau Niort pour avoir la précision quant au rôle de monsieur Cannel lors de la précédente cousinade. Enfin, nous devons rappeler l’organisateur, lui dire pour la troisième victime et voir comment il réagit à ce troisième décès. Peut-être qu’il entendra raison.

- Je croyais qu’on avait dit que je prenais les décisions... Alex sentit une pointe d’humour dans cette remarque de son collègue.

- Allez-y, prenez la décision. Ca vous va ?

- Oui, très bien. A tout à l’heure.

- A tout à l’heure.

 

            A la fin de la journée, ils avaient plus d’informations, mais rien sur l’identité du mystérieux tueur.

Les inspecteurs du groupe d’enquête d’Alexandre avaient travaillé sur les relations de M. Gassepaz. C’était un homme banal, qui voyait ses parents régulièrement, ainsi que ses sœurs. Le concierge avait vu aussi des grands-mères ainsi que des femmes, mais il ne se souvenait plus très bien des visages. Comme cela faisait un mois que Thierry était partit en vacances – seul, il insista sur le point qu’à sa connaissance, en ce moment, M. Gassepaz était célibataire -  il confondait les noms et les visages. Pour les clés de l’appartement, il savait que la victime en avait quatre : un chez lui, un autre chez sa mère, un chez son concierge et enfin, le dernier, sous son paillasson. Son concierge avait eu beau lui répéter, il n’avait jamais voulu entendre raison et il n’en avait fait qu’à sa tête. Ca pouvait donc être n'importe qui...

Pour l’analyse du poison, ils étaient dans une impasse : il n’y avait de trace de poison, ni dans le café, ni dans le sucre. Le lait fut analysé et blanchi de tout soupçon. Ils ne savaient pas comment le poison avait été ingéré par la victime.

M. Figet fut encore abattu par la nouvelle d’une autre victime, mais refusait toujours d’avertir les membres de sa famille du danger, de peur de voir les gens ne pas venir à la cousinade et ruiner les efforts qu’il avait fait durant les cinq années passées, mais surtout de manquer la seule occasion de fêter le bicentenaire du mariage de ses aïeux.

Le jeune ardéchois, en classe de seconde, avait déjà fini l’école et était parti en avance pour préparer un camp scout d’où il était parti le matin même, seul, en éclairage. Il devait trouver le terrain idéal pour organiser un camping sauvage pour le séjour du mois de juillet. Des battues avaient été mises en place, mais il y avait peu d’espoir de le retrouver rapidement dans la nature ardéchoise.

Alex rentra chez lui en coup de vent et expliqua à sa femme que, le lendemain, il devait partir aux aurores pour Cahors d’où il devait mener l’enquête qui le monopolisait depuis trois jours.

Comme d’habitude, elle ne posa pas de question et ne fit aucune remarque : quand on épouse un homme de la « grande maison », c’est pour le meilleur et pour le pire, enfin… quand il est à la maison.

 

Chapitre 4