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La branche de feu

Par Thomas Burnet

Cette nouvelle est une pure fiction, issue d’une imagination fertile.

Conclusion de l’expérience de la double fente (physique quantique) : le simple fait d’observer ou de mesurer une expérience modifie le résultat de cette expérience…

 (Ajout de Nicolas Traguel, le 25/06/2008 : ou pas !)

            Revenons en arrière. Longtemps en arrière. En 4000 avant la probable naissance de JC, dans la tribu des Malok, en Afrique de l’ouest. Grak-nör se promène dans la plaine. Cette nuit, il devra prendre du repos avant d’affronter Kognär dès le lever de l’astre. Ce jeune arrogant veut obtenir le commandement de la tribu. Jusqu’alors, les défis n’ont jamais effrayé Grak-nör ; sauf peut-être celui contre Marka, le gros dur, il y a longtemps. Il avait fallu que le jeune chef ruse pour mettre à terre cette brute pleine de muscles, mais sans aucune jugeote. C’était là l’atout majeur de Grak-nör : il avait non seulement les muscles et l’habileté physique, mais aussi l’habileté mentale. Cependant, la veille de son défi contre Kognär, Grak-nör se sent faible. Il voit bien que sa jambe se lève moins bien, que de fermer son poing lui fait horriblement mal, et qu’il est moins rapide. Son dernier combat, il y a déjà 12 lunes de cela, a été difficile et l’a beaucoup fatigué. Il se sent comme ces vieux lions qu’il est plus facile de tuer parce qu’ils sont toujours à l’arrière du troupeau ou qui partent dans la savane mourir seuls. Il lui faut donc trouver un moyen de garder le contrôle. S’il perd, au mieux, il meurt ; au pire, il devient un ancien : plus de femmes, plus de combats, plus de chasse, plus que des restes de viande presque pourrie… Grak-nör marche donc, en essayant de trouver cette fois encore, l’idée qui lui permettrait de pérenniser son statut de chef au sein de la tribu.

Il s’arrête lorsqu’il voit un objet tomber du ciel. Il s’approche et découvre une branche d’arbre. Sauf que celle-ci est grise, très foncée, avec des reflets rouges. Grak-nör est très surpris, et tente de l’attraper, mais la branche est brûlante. Ce qui surprend le vieux chef n’est pas tant la chaleur de la branche, mais le fait qu’elle ne se consume pas. Il la regarde avec méfiance, se demandant si ce n’était pas un coup monté de Kognär pour l’intimider, voire le blesser, avant le défi. Il regarde autour de lui, et constate qu’il est seul dans la plaine. Seul, avec cet objet étrange. Il pense ensuite aux Dieux : ils ont pu lui envoyer la solution pour garder sa place dans la tribu.

Piège ou pas piège, Grak-nör est vraiment trop curieux pour laisser cet objet, là, à la merci de n’importe quel autre Malok et tente une nouvelle fois de l’attraper. La branche de feu est encore très chaude. Grak-nör s’assoit face à cet étrange objet et attend. Après quelques temps, l’eau des Dieux tombe sur la plaine. Grak-nör ne quitte pas son trésor de peur qu’on ne le lui vole. Il sait aussi que l’eau des Dieux éteint la flamme du démon, et que si cette branche est vraiment en feu, l’eau des Dieux peut peut-être lui permettre de la ramasser. Le vieux chef est encore plus surpris par la fumée qui s’élève de la branche et par le court chant que pousse cette branche lorsque l’eau se dépose dessus. C’est la chose la plus étrange qu’il n’ait jamais vue. Il a certes un peu peur, mais la possibilité de revenir à la tribu avec un objet si étonnant lui parait être une bonne chose la veille d’un combat vital.

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Tous les membres de la tribu Malok sont réunis autour du cercle des défis. Ils attendent avec impatience le combat entre Grak-nör et Kognär. La plupart a encore en mémoire le dernier défi de Grak-nör, où le vieux chef a été très en difficulté, et est pressée de découvrir l’avènement du nouveau chef. Kognär a toutes les qualités d’un challenger : la force, la beauté, l’intelligence, et l’orgueil démesuré qui lui fait dire qu’il va battre Grak-nör à plat de couture. C’est Kognär qui arrive en premier dans le cercle. Il porte un pagne qu’il a confectionné lui-même à partir de la peau du plus dangereux des lions qui rodaient autour de la tribu. Grak-nör n’arrive que plus tard. Il est recouvert de sa vieille peau d’hippopotame, et marche doucement en s’aidant d’une cane. Les autres membres de la tribu baissent le regard, un peu honteux d’assister à la quasi-mise à mort du vieux chef sur le déclin. Un sourire illumine le visage de Kognär, qui voit le combat gagné d’avance. Il pousse un râle de contentement, alors que le vieux chef reste stoïque. Il l’invite à attaquer le premier, mais le vieil homme ne bouge pas. Le jeune prétendant au pouvoir tourne autour de son adversaire, en se pavanant. Alors qu’il s’immobilise face à lui, avant d’attaquer, le vieil homme lève sa cane et la pose doucement sur le torse du jeune homme. Celui-ci rigole en arrachant cette cane des mains de Grak-nör et s’apprête à la briser en deux sur sa cuisse.

Un hurlement de douleur parvient jusque dans la plaine. Kognär a lâché la cane et se frotte la jambe. Grak-nör ramasse sa cane incassable et assène un coup sur le côté de son adversaire qui n’a pas le temps de l’esquiver. Puis, malhabilement, il change de côté et l’attaque sur sa gauche. Le jeune homme est trop surpris pour tenter de parer les coups. Et chaque coup le fait un peu plus souffrir. Le vieux chef veut faire la démonstration de sa force et veut faire passer un message : il n’est pas fini et compte bien tenir les rênes de cette tribu pendant encore un moment. Mais il lui faut terminer au plus vite, pour ne pas laisser à Kognär le temps trouver un moyen de le battre. Il lui envoie un coup dans les parties génitales et un autre dans le dos. Son adversaire est à terre et il se tord de douleur. Grak-nör l’interpelle. Et alors que Kognär relève la tête, déjà conscient qu’il va perdre ce combat gagné d’avance, Grak-nör lui enfonce sa cane entre leurs deux yeux.

Kognär s’effondre à terre, et toute la tribu applaudit son chef. Il dégage sa cane du crâne du jeune prétentieux et la brandit en l’air. Il a trouvé le moyen de rester le chef jusqu’au bout…

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Restons en Afrique, mais avançons de quelques milliers d’années. En 1972, l’archéologue Jean de Lacolline fait une surprenante découverte. Au pied d’une sculpture monumentale en granit, à une très grande profondeur, il trouve une très vieille tombe. Des vestiges de vêtements, les objets contenus dans la tombe, la technique d’inhumation et la datation au carbone 14 permettent à l’archéologue de prouver que l’homme retrouvé dans cette tombe est mort depuis plusieurs milliers d’années, vers 4000 avant JC. Parmi les objets qui entourent ce qui semble être un chef, il trouve un étrange bâton rond qui semble en métal, une première à cet endroit et à cette époque. De Lacolline sait qu’il détient un objet exceptionnel qui va révolutionner la perception des civilisations africaines primitives. Cependant, la crise de 1973 provoque un blocage des crédits alloués à ces fouilles dites « secondaires ». A l’époque, l’intérêt des états dits « sous-développés » passe après le désir du découvreur de se constituer des trésors de guerre et c’est donc sans aucune culpabilité que l’ensemble des objets est ramené par Lacolline dans sa région natale du Puy-de-Dôme où il poursuit leur étude.

Le 2 avril de l’année suivante, la France perd son président, et Issoire son plus célèbre citoyen. La commune célèbre l’archéologue qui n’a pas quitté sa région et a fait d’Issoire la vitrine de son travail. L’ensemble des habitants est touché par le dernier geste de Lacolline, qui lègue l’ensemble de ses découvertes à la commune pour la création d’un musée des civilisations premières. Dans cette collection, il y a des pièces rares exhumées aux quatre coins de la planète, toutes issues de civilisations primitives, et presque toutes volées. M. Grions, le maire de l’époque, se moque éperdument de savoir d’où venaient ces objets ; il sait qu’ils ont une valeur inestimable et voit là la possibilité de faire un grand musée à Issoire. Et c’est ce qu’il fait ! Un projet pharaonique avec une façade très avant-gardiste, qui n’a rien à voir avec les cultures primitives, mais « qui en jette » comme disait M. Grions.  Le nom de Lacolline est bien sûr associé à cet édifice et il est inauguré en grandes pompes le 1er février 1977, un jour après l’inauguration du Centre Georges Pompidou, en présence de la secrétaire d’état à la culture de l’époque, Françoise Giroud. La mairie recrute du personnel supplémentaire, non qualifié et peu payé, et les collections sont exposées dans un joyeux chaos, l’argent ayant été placé avant tout dans les murs plutôt que dans ce qu’ils contiennent. Les objets sont disposés à l’air libre, sans aucune distinction d’origine géographique, d’origine culturel ou temporelle. Certaines pièces sont d’ailleurs dérobées à cette époque. Jack Ladévrine, qui succède en avril 1977 à M. Grions, impulse la professionnalisation du musée, avec une grande amélioration de l’exposition et de la sécurité des objets dans les collections et le recrutement de personnel spécialisé. En l’espace de deux ans, du matériel d’exposition adapté est acheté, un système de sécurité moyen est mis en place, le nombre d’objets exposés diminue et la réserve se remplit. Le musée commence à créer des partenariats avec d’autres musées, en France et à l’étranger, et les visiteurs deviennent de plus en plus nombreux. A l’aube de l’année 1982, le musée Jean de Lacolline des premières civilisations d’Issoire devient une étape obligatoire dans la découverte de l’Aveyron. Le maire de Paris, Jacques Chirac, se fait l’ambassadeur du musée et aide à sa popularisation à l’échelle nationale. Des parcours pédagogiques sont constitués pour permettre aux enfants de venir découvrir et comprendre les civilisations perdues. L’œuvre de Lacolline a enfin un musée à la hauteur de sa valeur.

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Au milieu des années 90, le musée fonctionne à plein régime, le public est nombreux et l’aura européenne. Le musée est devenu une référence en la matière, si bien que lorsque Jacques Chirac, à son arrivée à l’Elysée en 1995, désire mettre en avant les civilisations primitives dans un nouveau département du Louvre, il contacte en premier lieu le directeur du musée, Franck Grimbard, pour lui demander un immense service : il souhaite puiser dans la réserve inutilisée du musée Jean de Lacolline pour permettre au public de découvrir les trésors cachés des civilisations disparues et méconnues. Il y a de nombreuses discussions, mais Franck sait combien son musée doit au dévouement passé du nouveau président, et il lui accorde donc cette faveur. Le projet de département se transforme très vite en projet de musée et l’emprunt devient l’exposition temporaire inaugurale du musée parisien des Arts Premiers. Les réserves sont donc passées au peigne fin, et on envoie à Paris de nombreuses pièces, dont certaines n’ont pas encore été étudiées. Lors de l’analyse des pièces oubliées et des cahiers de l’archéologue, les historiens trouvent des références à quelques objets qui ne sont pas dans les réserves du musée Lacolline et qui n’ont pas été envoyées à Paris. Messieurs Grions et Ladévrine sont contactés et il apparait que lors de la professionnalisation de la fin des années 70, des caisses ont été entreposées dans le grenier communal car la réserve était pleine.  Parmi ces caisses oubliées, il y en a une qui va créer la révolution tant espérée par l’archéologue issoirien. Dans cette caisse, il y a quelques vêtements, des artéfacts en bois et un cahier.

Le cahier fait lui-même référence à un autre objet. Une barre ronde en métal trouvée par  Jean de Lacolline au Sénégal, dans la tombe d’un homme mort il y a plus de six mille ans. Les historiens, sous la direction du célèbre Emile Crobel, qui travaillent sur l’importante collection d’objets de l’archéologue connaissent bien le sérieux de l’homme et des expertises qu’il réalisait. De nouvelles recherches sont donc faites concernant cette mystérieuse barre. De Lacolline avait fait un descriptif très précis de cette dernière en donnant sa taille, son diamètre, sa couleur, son aspect. Toute l’équipe du musée d’Issoire est en ébullition : retrouver cet objet est devenu leur priorité. Les réserves sont passées au peigne fin et le grenier communal est entièrement vidé. Plusieurs barres de métal sont retrouvées, mais elles sont soit trop grandes, soit pas assez, soit trop épaisses, soit carrées. Au final, cinq barres rondes de la bonne taille sont trouvées. De Lacolline avait aussi noté des chiffres et des lettres retrouvés sur cette barre : YBO 6 44 G, c’est cette dernière information qui permet  à l’équipe d’identifier la barre qui aurait plus de six mille ans. Elle est envoyée à M. Crobel qui la trouve passionnante. Il est d’abord surpris par la série de chiffres et de lettres : l’alphabet latin n’ayant été créé qu’en 700 avant JC et les chiffres, sous leur forme occidentale, que vers 1000 après JC,  il est impossible que des civilisations primitives aient réalisées cette inscription. De plus, la gravure est trop nette pour avoir été faite six mille ans auparavant. Enfin, ce qui semble impossible pour l’époque et pour le lieu est que l’objet est fait en acier. Cela à l’avantage de permettre une datation au carbone 14 qui est sans équivoque : l’objet date d’environ six mille ans…

Emile Crobel fait le bilan de la découverte : une civilisation capable de fabriquer et de manipuler du métal, qui possède l’alphabet latin et les chiffres arabes quelques millénaires avant leur apparition, et qui peut réaliser une gravure avec une précision quasiment inhumaine. C’est tellement incroyable qu’Emile Crobel ne peut y croire. Alors que ses collègues se congratulent et démarrent une série de fouilles au Sénégal, lui essaye de voir les choses sous un autre angle. Plusieurs possibilités lui apparaissent, mais pour les retenir, il faut exclure la datation au carbone 14… Il se demande aussi à quoi correspond cette inscription. La version moderne de l’alphabet vue dans cette inscription a nécessité trop d’évolution depuis – 700 pour avoir été utilisée trois mille trois cents ans auparavant… Soudain, une idée encore plus folle lui vient à l’esprit. Mais pour cela, il espère qu’il n’est pas trop tard.

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- Vous voulez dire M. Traguel, que cet objet va être construit cette année, chez un des sous-traitants d’Air France, mais qu’il va disparaître un jour futur, mais on ne sait pas quand, pour être retrouvé il y a vingt-huit ans au Sénégal dans la tombe d’un vieux chef de tribu mort il y a six mille ans ? Je n’aurais même pas la bêtise de vous demander si vous vous moquez de moi…

- Je sais que ça peut paraître étrange M. Chirac, mais c’est la stricte vérité. Ce sont les inscriptions qui ont permis à monsieur Crobel d’arriver à cette hypothèse abracadabrantesque : imaginez, des lettres de l’alphabet latin, des chiffres arabes occidentalisés, et une gravure que seule une machine peut réaliser.

- Certes, mais qui vous dit que ce n’est pas un plaisantin qui l’a posée là…

- Cette barre est faite en acier, alliage qui comprend du carbone et qui permet donc une datation au Carbone 14.

- Vous êtes sûr qu’il fonctionne bien votre Carbone 14 ? Vous ne voulez pas plutôt essayer le 15 ? Il est peut-être périmé.

- Ce n’est pas si simple Monsieur Chirac : le carbone 14 est un isotope radioactif, qui met très longtemps à perdre toute sa radioactivité. Ce processus de datation est sûr.

- Et alors ? Que voulez-vous faire ?

- C’est un événement monsieur : nous sommes sur le point d’être les témoins du premier voyage avéré dans le temps. C’est un phénomène qui relève du domaine de la physique quantique. C’est pourquoi monsieur Crobel m’a demandé de l’aider, en tant que physicien.

- Oui, c’est très bien votre histoire, mais pourquoi venez-vous m’en parler ?

- Je vous le répète, monsieur Chirac, ce n’est pas simple : nous avons supposé que l’inscription est un numéro de série, nous sommes remontés jusqu’aux entreprises qui utilisaient cette structure pour leurs numéros et nous sommes arrivés dans le domaine de l’aviation. Une barre de ce diamètre, avec en acier, correspond à une des barres qui fait partie du train d’atterrissage des Airbus. La barre fait normalement trois mètres, mais celle que nous avons est cassée. La barre qui va être fabriquée fera partie d’un avion de tourisme qui, selon toute vraisemblance, va voyager dans le temps pour revenir six mille ans dans le passé, causant, au passage, la probable mort de tous ses passagers.  

- Ah… c’est un problème ça… Et bien alors, ne montons pas cette barre, ou ne construisons pas cet avion !

- Monsieur, sauf votre respect, nous avons la chance unique d’assister à un véritable voyage dans le temps.

- Très bien, faisons-le voler à vide alors…

- C’est impossible monsieur. Cet avion, lorsqu’il est remonté dans le passé, transportait sûrement des passagers. Si nous voulons observer le voyage temporel, nous ne devons rien changer ?

- Absolument rien ?

- Rien du tout.

- Mais alors, comment voulez-vous savoir comment voyager dans le temps ? Si vous installez un système de surveillance, vous allez changer quelque chose et votre voyage dans le temps ne se produira pas.

- En effet, mais cet avion aura un dispositif embarqué très discret qui enverra en temps réel les informations de tous les systèmes de l’appareil. De plus, les conditions météorologiques seront surveillées en temps réel elles aussi. Nous ne savons absolument pas quand la catastrophe se produira, il faut donc qu’il soit toujours surveillé.

- Mais attention, M. Traguel, car si je vous suis bien, il faut que vous installiez ce système sans retarder la livraison de l’appareil sous faute de quoi, vous n’aurez aucun voyage dans le temps à observer.

- Je vois que vous avez saisi la difficulté de la chose monsieur. D’autant plus que tout doit se passer comme pour la première fois, sinon, quand l’appareil repartira dans le passé, la barre ne sera pas trouvée et nous ne pourrons pas observer le voyage temporel.

- Comme la première fois, non ? La première fois, nous n’observions pas ce vol, c’est bien ça ?  La première fois, nous n’avons jamais eu cette discussion ?

- En effet, ça peut paraître étrange, mais c’est le cas. Je suppose que notre vie a peut-être subi des modifications à cause de ce voyage dans le temps, mais nous ne pouvons pas le savoir.

- Ca donne le vertige.  

Le président de la république se tut un moment avant de reprendre : Nous allons classer ce dossier secret défense, comme ça, nous serons tranquilles. Pour ce qui est des victimes potentielles, la première fois, elles sont déjà mortes… alors… Pour les familles, on fera comme d’habitude : de la tristesse, du recueillement, une petite larme, une réception, et ça ira mieux. Avez-vous réglé la médiatisation de la découverte de la barre à Issoire ?

- Nous avons géré cela Monsieur Chirac, nous avons reconnu avoir été les victimes d’un canular.

- Très bien. Alors, comme on dit chez nos voisins : Wait and See !

- Exactement Monsieur. Je vous remercie encore de votre compréhension.

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            En octobre 2000, dans une entreprise de sous-traitance d’Air France, en Normandie, Michel Monsain termine le façonnage de la pièce YBO 6 44 G, soit une barre d’acier de trois mètres qui entre dans la composition du train d’atterrissage de l’Airbus A310. Mais Michel ne voit pas les deux agents secrets, déguisés en intérimaires, qui surveillent la fabrication de cette barre d’acier qu’ils ont déjà vu le matin même, telle qu’elle sera six mille ans plus tard.

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Le 24 juin 2008, Christophe et Diana s’apprêtent à revenir en France, après un voyage de noces sur les traces des Incas au Pérou, dans des hôtels luxueux, à ne passer leur temps qu’à visiter des lieux splendides ou faire l’amour. C’est avec un peu de nostalgie qu’ils voient se dessiner un retour à la vie quotidienne.

Patrick Megain a lui aussi passé un séjour idéal dans cette région. Cet ingénieur de quarante-trois ans, père d’un petit garçon d’un an et neuf mois, a pris deux semaines de vacances pour visiter l’Amérique du Sud avec ses amis Gaël et Gaël. Tous les trois ans, les trois quadras prennent deux semaines pour partir ensemble en vacances et découvrir un pays ou une partie du globe qui leur est inconnue. Cette fois-ci, ce sont donc le Pérou et la Bolivie qu’ils ont découverts. Les trois hommes sont à la fois déçus et heureux de prendre leur avion pour Paris, tristes que le voyage s’arrête déjà, impatients de retrouver leurs femmes et leurs enfants. Ils ont réussi à obtenir un vol direct pour Paris qui leur évite la correspondance interminable par les Etats-Unis.

Patrick, les deux Gaël, Christophe et Diana se retrouvent donc tous les cinq, ainsi que d’autres passagers, à bord du vol Air France AF 5673. Cent quatre-vingt-dix-huit personnes en tout, personnel de vol compris. Jean-Marc Gras, président directeur général de l’entreprise Toutbon, spécialisée en plats exotiques surgelés, remet sa montre à l’heure française au moment où l’avion décolle ; elle indique alors vingt-trois heures quatorze.

Aucune des cent quatre-vingt-dix-huit personnes ne se doute qu’ils n’arriveront jamais à Paris. Emile Crobel et Nicolas Traguel non plus d’ailleurs, ni aucun des six scientifiques qui leur ont été affectés par l’Etat français pour les aider à mener leurs recherches. Depuis cinq ans, ils se relayent sans relâche pour surveiller l’avion. Nicolas a conçu un petit appareil très discret qu’un agent secret infiltré dans la société de maintenance d’Air France contrôle à chaque révision de l’appareil. Cet appareil envoie, comme prévu, toutes les données sur l’avion en temps réel. Ces données sont toutes stockées et examinées soigneusement depuis cinq ans.  De plus, l’équipe a piraté le système de sécurité d’Air France, si bien qu’ils peuvent vérifier leurs informations avec celles de la compagnie française. Enfin, ils reçoivent aussi l’aperçu des écrans radars des tours de contrôle qui sont sur la route de l’avion.

C’est une de celles du Venezuela qui a eu le dernier contact avec le commandant de bord avant sa traversée de l’Océan Atlantique. Les contrôleurs aériens du Sénégal doivent reprendre contact avec l’appareil, lorsqu’il approchera les côtes africaines. Cette nuit-là, la météo n’était pas fameuse, mais aucun orage n’est prévu au-dessus de l’océan. Vers 6 heures du matin, heure française, les contrôleurs aériens sénégalais voient apparaître le vol AF 5673 sur leurs écrans radars. A cet instant, l’appareil conçut par Nicolas Traguel cesse d’émettre. C’est alors la panique dans la salle de contrôle. Emile, qui revient des toilettes, comprend immédiatement que quelque chose ne va pas. Il s’adresse à Nicolas qui lui confirme que son appareil vient de cesser d’émettre, mais que l’avion est toujours sur les écrans de radar sénégalais, et qu’Air France n’a reçu aucun message d’alerte.

Un contact radio est établi entre le commandant de bord et les contrôleurs sénégalais. Le commandant de bord annonce que tout va bien, et plaisante même avec le contrôleur, mais, alors qu’il est encore en ligne, son copilote lui demande s’il ne sent pas une odeur de brûlé.  Le contact est rompu dans les secondes qui suivent et l’avion disparaît des écrans radars.

A l’image satellite, Nicolas ne voit rien en raison de nuages noirs qui surplombaient la position estimée de l’appareil. Les autorités sénégalaises préviennent celles du Pérou et de la France, mais Emile Crobel s’en est déjà chargé.

Alors que le Sénégal informe la France qu’elle envoie au plus vite ses équipes de secours sur place, à Paris, Emile Crobel n’a qu’une obsession : il lui faut vérifier. Dans sa voiture, il fait défiler les huit dernières années dans sa tête : tout ça pour ça. Il repense à cet appareil qui était dans la cabine de pilotage par sa faute. Il repense à cette interruption de communication de ce maudit appareil. Il repense à cette phrase du copilote qu’il a déjà écouté plus d’une vingtaine de fois demandant si les autres membres de l’équipage ne sentaient pas une odeur de brûlé. Il repense à la suite. Au black-out. Au voyage dans le temps qui n’avait surement pas pu se produire. Tout ça à cause de leur stupide curiosité. Mais pourquoi n’était-il pas monté lui-même dans cet avion ? Il aurait fait tous les vols, peu importe l’heure ou la fatigue ; s’il avait eu des couilles, il y serait allé lui-même.

Il doit vérifier : la première fois, l’appareil ne devait pas être dans l’avion. Il n’avait donc pas cessé d’émettre, il n’avait donc pas brûlé, il n’avait donc pas causé de crash de l’avion. Il s’attend déjà à voir les corps aux informations nationales, à la une des journaux du monde entier. Il sera pour toujours celui qui a tout fait pour que cent quatre-vingt-dix-huit personnes meurent pour rien.

Dans le centre de sécurité, Emile court jusqu’à la salle où la barre métallique est conservée. Il glisse son badge, tape son code, expose sa rétine à la cellule et la porte s’ouvre. Haletant, il compose un nouveau code pour ouvrir le caisson de protection. Il pose la paume de sa main gauche sur l’appareil de détection et un déclic se fait entendre. Il soulève le couvercle du caisson et …

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Les équipes de recherche sénégalaises sont bien sûr les premières qui arrivent sur le lieu de la disparition de l’appareil, estimé, à partir du dernier signal radar, à une centaine de kilomètres de la côte et commencent aussitôt les recherches. Très vite, les équipes françaises, péruviennes et espagnoles arrivent à leur tour, mais leurs conclusions sont plus que surprenantes : rien. Aucun débris, aucune carcasse, aucun corps, aucune boite noire…. Rien. Comme s’il ne s’était rien passé. Le temps passe, et les équipes ne trouvent toujours rien. Peu à peu, les équipes sont rappelées, jusqu’à ce que toute recherche cesse.

Une question reste alors sur toutes les lèvres : où sont passés le vol AF 5673 et ses cent quatre-vingt-dix-huit passagers ?

******************

… il découvre, dans un étui plastique de protection, la barre d’acier, telle qu’il l’a laissée trois jours plus tôt.

Une question lui vient alors à l’esprit :

Et si tout devait se passer ainsi depuis le début ?

 

FIN

 

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