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La fin du monde expliquée à ma fille

Par Thomas Burnet.

            Souvent, on utilise la métaphore pour expliquer de grandes choses aux enfants… C’est pourquoi, en ce jour de décembre 2017, j’essayais d’expliquer à ma fille de huit ans pourquoi le père de sa copine Virginie avait dit que depuis Copenhague, la fin du monde était inévitable.       

- Tu sais, quand on va voir ton parrain… ?

- Oui, j’aime bien quand on va le voir…

- Oui, moi aussi, mais tu te souviens qu’il habite loin ?

- Oui, c’est à Cherbourg et ça prend beaucoup de temps pour y arriver…

- Euh… oui… Une heure trente… Ca fait un peu de temps…

- J’aime bien parce qu’on a juste le temps d’écouter une fois le Soldat rose et une fois Tucàn.

- C’est vrai… mais ce n’est pas ça que je voulais dire. Il nous faut donc une heure trente pour y aller. Demain, nous devons aller chez Parrain pour midi.

- C’est vrai ?!

- Non, c’est pour t’expliquer la fin du monde.

- …

- Bon, je continue. On imagine – je dis bien, on imagine – que nous devons nous rendre chez ton parrain pour midi. Donc on doit partir avant dix heures trente.

- Ah non !

- Non ?

- Non, y’a Kid Paddle à dix heures trente. Il faudra attendre un peu.

- … Bon, on doit y être pour deux heures de l’après-midi, donc on doit partir à midi et demi.

- On pourra manger chez Quick à Saint-Lô ?!

- Euh… oui ! Tiens, on met une heure trente pour aller chez ton parrain, et en plus, on doit s’arrêter une demi-heure pour manger chez Quick. Donc on a deux heures de trajet.

- Mais…

- Deux heures, c’est une heure trente de route, plus le temps pour manger.

 - Tu prendras quoi chez Quick ?

- Rien ! On a dit que c’était pour de faux.

- Ah oui, c’est vrai !

- Donc, si on part à midi, qu’on fait l’heure et demie de route plus le déjeuner, on pourra, deux heures plus tard être à deux heures de l’après-midi chez Parrain.

- Moui…

- Puisque je te le dis. Mais imagine qu’on ne parte pas à midi. Imagine qu’on parte en retard, que…

- Que tu as encore oublié de faire les sacs ? Que tu n’es pas encore prêt ? Que tu as perdu les clés de la voiture ?

- Je ne perds pas les clés de la voiture !

- Si, une fois, tu les avais oubliées dans la poche de ton pantalon qui était parti dans la machine et vous les avez cherchées pendant très longtemps. 

- Dis donc, p’tite puce, tu as une excellente mémoire… Donc, on imagine que nous ne puissions pas partir parce qu’un papa a égaré les clés de la voiture. Le temps de les retrouver, nous perdons une heure. Est-ce que nous pouvons arriver pour deux heures de l’après-midi ?

- Ben non, ça, c’est sûr ! Mais je vois pas le rapport avec la fin du monde.

- J’y viens chérie. Donc, on disait que si on part deux heures avant, on arrivera à l’heure, mais si on part plus tard, une heure avant d’arriver par exemple, on va être en retard…

- euh…

- Trop compliqué ?

- Oui.

- D’accord. Alors… euh… Oui : si on part à midi, on arrive à l’heure à Cherbourg, si on part à une heure de l’après-midi, on sera en retard.

- Oui, et en plus j’aurai très faim.

- Et bien la fin du monde, c’est pareil. Comme je laissais un blanc avant d’expliquer le rapport entre la métaphore et la chose à expliquer, Thays déclara :

- J’ai rien compris papa.

 - C’est normal p‘tite puce, je n’ai pas fini. Il y a huit ans, l’année de ta naissance, il y a eu une grande conférence. Elle a eu lieu dans la ville de Copenhague, alors c’est pour ça qu’on l’a appelée Copenhague. C’est de cette conférence dont parlait le papa de Virginie.

- C’est quoi une conférence ?

- C’est comme une grande réunion.

- D’accord.

- A cette conférence, les gens devaient décider ce qu’ils voulaient faire pour éviter qu’on n’abîme trop la Terre. Si la Terre est trop abîmée, on ne pourra peut-être plus vivre dessus. Et comme il n’y a pas d’autre planète sur laquelle on peut vivre, ben on peut penser que ce sera la fin du monde.

- Alors, c’est ça la fin du monde ?

- Oui, en quelque sorte. Pour nous, les hommes, si on ne peut plus vivre sur Terre, ça sera la fin du monde.

- Et ça va arriver d’un coup ?

- Non. Ca vient petit à petit. En fait, la Terre change depuis très longtemps, mais elle changeait tellement doucement, qu’on pouvait s’adapter. Mais là, comme on l’a beaucoup abîmée, le changement est trop rapide et on ne va pas pouvoir s’adapter. Par exemple, pour aller chez ton parrain, on ne pourra plus prendre la voiture, il faudra prendre le bateau parce que la mer aura tellement monté que les routes seront sous l’eau.

- Pourquoi si on abîme la Terre, l’eau monte ?

Lorsque ma fille posa cette question, je sentis que je me dirigeais vers une série de pourquoi sans fin.

- Parce qu’une des façons d’abîmer la Terre, c’est, par exemple, de faire monter la température de la planète avec le gaz qui sort des voitures. Et comme il y a des gros glaçons – des icebergs – de chaque côté de la Terre, si la température monte, et bien ils vont fondre et la mer va monter.   

- D’accord. Mais Parrain, il va fabriquer quelque chose que qu’on n’abîme plus la Terre ?

- Non chérie. Je t’ai parlé de quand on va chez ton parrain parce que si les gens avaient dit qu’ils allaient arrêter d’abîmer la Terre, et bien on aurait pu éviter qu’elle soit trop abîmée, mais ils ne l’ont pas fait, alors maintenant, on pense que c’est trop tard. Il nous faut un certain temps pour arrêter d’abîmer la Terre, comme il nous faut du temps pour aller chez ton parrain. Et comme les gens n’ont pas dit qu’ils allaient arrêter d’abîmer la Terre, et bien ça fait comme si on partait en retard pour aller chez ton parrain ; on n’arrivera pas à l’heure, on ne pourra pas arrêter d’abîmer la Terre, et on ne pourra plus vivre dessus.

- …

- Tu as compris ?

- Je crois… mais c’est triste si c’est trop tard pour arrêter d’abîmer la planète.

- Je sais chérie, je sais.

Nous étions assis l’un à côté de l’autre, en silence. Thays semblait réfléchir. Elle reprit :

- Mais… papa…

- Oui, chérie ?

- Pourquoi les gens continuent à faire des bébés si le monde va être fini ?  

J’hésitais… Devais-je lui dire que les gens ne voyaient pas plus loin que le bout de leur vie ? Devais-je lui dire que nous faisions des bébés par pur instinct de conservation ? Devais-je lui révéler que chacun pensait à soi avant de donner naissance à un être qui devra se battre pour sa survie ?

Mais était-ce vraiment le cas ? Quand nous avons conçu notre fille, n’avions-nous pas espoir que l’humanité trouve en son sein la force de changer ? N’avions-nous pas espoir que la nouvelle génération, élevée avec de nouvelles valeurs, puisse changer et prendre les bonnes décisions pour sauver le destin des hommes ? Avec nos enfants, ne pensions-nous pas pouvoir rectifier les erreurs de ceux qui nous ont précédés ?

            Un père, une fille. C’était peu, mais c’était déjà ça. Tout reposait sur l’espoir. Alors je devais donner une décharge d’espoir à ma fille pour qu’elle puisse la communiquer à sa génération.

- Peut-être qu’on s’est trompé… Peut-être qu’on pensait qu’il était trop tard, alors qu’en fait, c’est maintenant le bon moment pour partir. Pour aller chez ton parrain, on sait bien combien de temps il nous faut, mais pour savoir si on abîme trop la Terre, on ne sait pas, on pense qu’il fallait le faire en 2009, mais ce n’est pas sûr. Alors, c’est pourquoi il faut arrêter d’abîmer la Terre maintenant, en 2017,  parce que c’est peut-être le bon moment. 

- Alors le monde va être fini ou pas ?

- Oui chérie, un jour, le monde sera fini, parce que tout se finit un jour ; mais ce sera soit parce qu’on a été trop bête pour ne partir à l’heure, soit parce que c’est le moment…

- …

- Je sais que ce n’est pas facile à comprendre tout ça mon ange, mais j’ai essayé de t’expliquer au mieux.

- … Dis papa ?

- Oui ?

- Est-ce que j’abîme la Terre ?

- Oui p’tite puce, on abîme tous la Terre. Alors on va essayer de faire en sorte de l’abîmer un peu moins.

- Pourquoi juste un peu moins ? Thays se releva. On va arrêter complètement d’abimer la Terre ! Allez papa ! Au boulot !

 

AU BOULOT !

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