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Le diable rouge

 

Par Pierre Burnet

 

Il affichait un regard condescendant pendant que la vieille sortait précautionneusement un mouchoir plié du fond de son sac. Il la laissa le déplier et de ses gros doigts calleux et sales, elle en extraya un caillou qu’elle lui tendit.

 

Il prit la pierre au creux de sa main. La boutique était bien éclairée et la pierre sitôt extraite de sa gangue de tissu s’était mise à étinceler de nombreux feux.

 

Il la fit rouler dans la paume. Il était surpris de l’éclat. Il s’était attendu à un morceau de verroterie aux reflets jaunâtres, amorphe, sans vie. Mais là, il n’était sûrement pas en présence d’un bout de verre !

 

Bien que la pierre soit taillée en brillant, il lui sembla déceler une certaine lourdeur dans la culasse qui lui fit penser à une taille ancienne. On dit souvent « brillantée ».

 

Il posa la pierre sur le comptoir et, avec une paire de brucelles, la saisit de la main gauche pendant que de la main droite, il dépliait sa loupe de gemmologue et l’approchait de l’œil.

 

Il fit tourner la pierre pendant qu’il ajustait la distance focale. La pierre lui apparaissait maintenant avec un fort grossissement. Il examina la surface, plongea à l’intérieur, s’attarda sur un minuscule cristal inclus, cubique. Probablement un petit grenat emprisonné depuis un million d’année.

 

C’était indubitablement un diamant, un diamant de la plus belle eau et sans inclusion visible à l’œil nu. Un G sûrement, peut être même un F ! Et la pureté : VS ou VVS, le cristal qu’il avait repéré dans la pierre était tellement petit !

 

Sans lâcher ni la loupe, ni le diamant, de l’œil gauche, il observa la vieille dame. Elle semblait se désintéresser de la pierre et si elle n’avait pas été debout, il aurait pensé qu’elle somnolait.

 

Il reposa la pierre et avec un pied à coulisse, il tenta d’en mesurer le diamètre. Il regarda avec attention, il lui sembla lire 6.6mm.

 

Il était donc en présence d’une pierre d’un peu plus d’un carat, d’une belle couleur et sans inclusions. Mais comment cette vieille souillarde avait-elle pu se procurer une pierre pareille et combien en voudrait-elle ?

 

« - Mouais, c’est bien un diamant. Mais c’est une taille ancienne. Ca décote beaucoup, vous savez ? Je serai obligé de la faire retailler et après la retaille, elle fera moins du carat…» Il parlait sans la regarder.

 

« - Combien ? »

 

« - Combien pour la pierre ? » Il répéta la question pour gagner un peu de temps. « En ce moment, le marché n’est pas très vif et il y a le dollar. Le diamant se paye en dollar, vous savez ? »

 

« - Combien ? »

 

« - Mille, mille cent, peut être. »

 

« - Je vous la laisse pour mille cinq cent ! » Deux chicots jaunis, de part et d’autre de la gencive lui faisait chuinter les mots

 

« -  Mille deux cent ! Pas un sou de plus. »

 

La transaction terminée et l’argent posé sur la table, pendant que la vieille recomptait les mille trois cent cinquante euros, il posa la question qui lui brûlait les lèvres.

 

« - Cette pierre, d’où vient-elle ? De votre famille, peut-être ? »

 

« - C’est une pierre que l’on se transmet de génération en génération. Je ne sais pas depuis combien de temps elle est dans la famille, mais ma grand-mère la tenait de sa mère. »

 

Il fronça les sourcils. Cela paraissait aberrant qu’une pierre aussi ancienne ait été taillée de façon si proche de la taille brillant. Il y avait quelque chose qui ne collait pas dans l’histoire de la vieille et aussi….

 

« - Mais vous ne pourrez plus la transmettre à vos enfants. »

 

La vieille le regarda et entrouvrit la bouche. Il s’aperçut à ce moment là qu’elle avait une sorte de moustache et de barbichette : des poils qui grisonnaient et qui se remarquaient sur la peau mat et sombre. Elle regarda le bijoutier avec un demi sourire et il fut très mal à l’aise quand elle lui dit :

 

« Qui sait, qui sait ? »

 

Elle tourna les talons et sortit de l’échoppe. Le bijoutier, encore sous le coup de la réponse de la vieille s’assit à sa table de travail et reprit la pierre en main. Il mesura précisément l’épaisseur. Il s’y reprit à deux fois et consulta ses tables de concordance. Il s’était trompé en pensant que la pierre était trop épaisse. Par rapport au diamètre, le profil de la pierre était parfait. Il était en présence d’une taille brillant idéale. Il reprit la pierre et la fit tourner entre ses doigts : collette fine et pointue, rondiste équilibré. Cette taille datait d’une vingtaine d’année, pas plus. La vieille lui avait raconté des bobards.

 

Il plia un petit papier blanc en deux et posa la pierre sur la pliure. Il le leva sous la lampe blanche et regarda de côté. Il n’y avait aucun halo jaunâtre. C’était sûrement une couleur blanc extra.

 

Il reprit sa loupe et inspecta encore la pierre. A part le minuscule cristal, il n’y avait aucune impureté. Il avait fait une superbe affaire. Une pierre telle que celle là valait au bas mot trois mille euros. Peut être même plus. Il faudrait la faire passer au laboratoire pour vérifier précisément couleur et pureté.

 

Le soir, il monta à l’atelier et sortit une loupe binoculaire à très fort grossissement. Si la pureté de la pierre était réellement VVS, elle s’approcherait des quatre mille euros. Ce n’était pas facile à déterminer : la pureté se mesurait avec une loupe de joaillier de grossissement 10 fois comme celle qu’il avait utilisé et il fallait qualifier l’inclusion de difficile à voir – very small inclusion - ou de très difficile à voir – very very small inclusion. Est-ce que le cristal était VS ou VVS ? Toute la question était là.

 

Il monta la binoculaire avec un grossissement de 20 fois et approcha les yeux. Le petit cristal avait maintenant grossi et il en discernait bien la forme : une sorte de poire, ou de goutte toute rouge. Il ne s’était pas trompé, c’était bien un grenat. Capturé par le diamant des millions d’années auparavant pendant la croissance de celui-ci, mangé, avalé. Il fit tourner la pierre, pendant qu’un sentiment de malaise s’emparait de lui. Indubitablement, le cristal de grenat lui faisait penser à une toute petite, une minuscule, une imperceptible goutte de sang.

 

Il lui restait un dernier test à contrôler, il s’agissait d’examiner la fluorescence de la pierre. Pour atteindre la valeur maximale, il aurait été parfait que la pierre n’en ait aucune.

 

Il sortit d’un étui une petite lampe portative qui mettait en évidence ce type de caractéristique. Elle portait le même genre de  tube néon, que l’on trouve parfois dans les éclairages des boites de nuit. Et qui rend certains vêtements extrêmement lumineux dans la nuit. On l’appelle aussi la lumière noire.

 

Il posa la pierre sur un petit support et alluma la lampe. Il se leva brusquement en sentant ses cheveux se dresser sur sa tête et la chair de poule se former sur la peau de ses bras. Sous le petit tube de néon, la pierre avait pris une intense couleur rouge.

 

Il n’avait jamais entendu parler d’une fluorescence rouge. C’était rarissime. Cette pierre valait sûrement une fortune, mais maintenant elle lui faisait peur !

 

Il plaça la pierre dans une petite enveloppe de papier au pliage caractéristique qu’utilisent les diamantaires et qui s’appelle un plion et ouvrit son coffre fort. Par précaution, il plaça le sachet dans le petit réceptacle qui fermait à clef à l’intérieur du coffre. Il poussa la lourde porte pour le fermer. Il ne pensait plus du tout à la valeur financière de la pierre, il pensait qu’il fallait absolument qu’il en sache plus sur cette vieille et sur cette pierre.

 

Il s’endormit difficilement et fit un horrible cauchemar. La vieille édentée, le mordait au cou comme un vampire et de sa bouche, elle extrayait dans un rire sinistre, un diamant rouge et sanguinolent.

 

Il se réveilla en sueur vers deux heures du matin sans pouvoir penser à se rendormir. Il pensa à rouvrir le coffre pour récupérer la pierre et la regarder encore, mais la serrure horaire ne permettrait l’ouverture qu’à partir de neuf heures du matin. Il se leva et fit chauffer l’eau pour un café. Il avait une vieille cafetière pour laquelle il choisissait soigneusement un café éthiopien en grains. Pour préserver l’arome, il ne le moulait qu’au moment où il faisait le café, ainsi, il conservait toute la saveur.

 

Il mit en marche son ordinateur et commença à rechercher sur Internet dans l’histoire des diamants si quelqu’un avait déjà mentionné une fluorescence rouge.

 

Il passa en revue tous les diamants célèbres : les cullinam, le régent, le hope, le grand moghol, l’excelsior, le star, les mazarins, leur fluorescence était banale. Au hasard d’un clic, il tomba sur l’histoire d’un diamant que l’on appelait maléfique et qui avait été la propriété de Gengis Khan. Pour le prendre, il l’avait, dit la légende, coupé la tête de celui qui l’arborait en collier. Puis, plus de trace. Ce diamant avait-il vraiment existé ? Il y avait un vague dessin d’un diamant taille ovale. Il évaluait le poids approximativement à six carats.

 

Il continua pendant une heure ou deux en croisant les critères de recherche et trouva un autre diamant ovale. Le red devil, un diamant qui apparaît avec Raspoutine et dont l’histoire semble jalonné de meurtres et de sang. Le diamant était esquissé. On retrouvait une pierre ovale un peu plus petite, probablement 3 ou 4 carat. Il soupçonnait qu’il s’agissait de la même pierre que celle de Gengis Khan, retaillée.

 

Par contre, impossible de suivre le parcours de la pierre. Elle apparaît avec une réputation sulfureuse, on prétend qu’elle a appartenu à Raspoutine, on pressent qu’elle a continué un chemin sanguinolent. Mais il eut beau chercher et chercher, il n’arriva pas à en savoir plus.

 

A neuf heures, il put enfin ouvrir le coffre. Il se précipita sur la pierre et fut de nouveau impressionné par la qualité de sa taille. S’il s’agissait de la même pierre, elle avait été retaillée dans un des petits côtés de l’ovale. Peut être qu’elle avait été endommagée sur l’autre côté : une grosse égrisure probablement.

 

Il reprit des mesures de la pierre et les compara aux côtes d’une taille diamant. Les proportions étaient idéales. Non seulement, elle avait été retaillée récemment, mais en plus, une telle perfection était la marque d’un atelier très performant. Il eut une brusque intuition. Parfois un atelier renommé marquait la pierre d’une infime signature au laser. Il réexamina avec la loupe binoculaire le rondiste et à son grand soulagement, il déchiffra une inscription fine « Bascchler », sûrement le nom du lapidaire.

 

Il se précipita sur le téléphone et appela son diamantaire, Philippe Maurin. Un ami de longue date avec lequel il avait fait ses études et qui avait fait son apprentissage chez un juif, négociant en diamant. Il avait ensuite passé deux années à Anvers avant de reprendre l’entreprise. C’est Philippe qui décrocha. Oui, il connaissait les Bascchler, de grands lapidaires, ils ont deux ateliers de taille, à Anvers et à Tel Aviv. Il pouvait toujours les appeler, mais des pierres d’un carat, ils en taillaient des dizaines par semaine, c’était un atelier très renommé et ils ne taillaient principalement que des pierres assez exceptionnelles. Comment pouvait-il imaginer qu’ils se souviendraient d’une pierre, somme toute banale pour eux ?

 

Muni des numéros de téléphone des deux centres de taille et des noms des responsables d’atelier, il tenta avec un anglais approximatif d’expliquer qu’il recherchait à identifier qui avait taillé une pierre d’un carat dans les dix ou vingt dernières années.

 

Il eut un peu de surprise, lorsqu’il eut en ligne l’atelier de Tel Aviv, car le chef d’atelier se souvenait de la pierre. Au moment où il parla de la fluorescence, son interlocuteur se rappela. Le diamant le plus dur qu’ils aient jamais taillé. Les diamants sont la matière la plus dure du monde, si bien qu’on ne peut les scier qu’avec des scies de diamants et qu’on ne peut les polir qu’avec des meules de diamants, mais cette pierre leur avait demandé plus d’une semaine de travail alors qu’il ne leur faut habituellement que cinq ou six heures pour tailler une pierre d’un carat. Ils avaient même cassé une scie de diamant, ce qui n’arrivait jamais. Si ! Il s’en souvenait parfaitement de cette pierre-là. Le lapidaire le rappela dans l’après midi pour lui communiquer le nom du bijoutier qui leur avait confié ce travail ainsi que la date exacte.

 

Le joaillier raccrocha avec une satisfaction non dissimulée. Il avait réussi à remonter la piste de la pierre. Demain, il appellerait le bijoutier, rechercherait le nom du client et prendrait contact avec lui. Il se serait épargné beaucoup de mal si il avait eu la sagesse de racheter la pierre officiellement. Il l’aurait payé par chèque, il aurait photocopié la pièce d’identité du client, il aurait son nom et son adresse précise. Ah, l’appât du gain, ce que ça fait faire ! Enfin, demain, il saurait tout ce qu’il y avait à savoir sur cette pierre.

 

Il passa une bonne heure au téléphone avant que le bijoutier accepte de lui donner les coordonnées de sa cliente. Elle habitait à une centaine de kilomètres. Il décida de partir le lendemain en début d’après midi. Cela faisait deux jours qu’il n’avait pas ouvert son magasin, mais il ne s’en souciait pas.

 

Il mit beaucoup plus longtemps de prévu. Il quitta la route principale presque tout de suite et il emprunta des routes secondaires en très mauvais état. Il mit finalement presque 3 heures à arriver dans un petit village et stoppa finalement devant une maison qu’on aurait pu qualifier de bourgeoise mais qui était en piteux état.

 

Il cogna à la porte assez longtemps, mais il n’y eut pas de réponse, alors il fit le tour de la maison et lorsqu’il pénétra dans le jardin, la petite vieille l’attendait et de sa voie chuintante.

 

«- Ah, mon joaillier ! Alors tu m’as retrouvé ! »

 

Il tenta de ne pas s’offusquer de la familiarité. « Je suis venu pour… »

 

« - Tu es venu pour me tirer les vers du nez pour la pierre. Je vais satisfaire ta curiosité. Viens carrer tes fesses dans ce fauteuil. Tu veux un thé ? »

 

Il était tellement surpris du comportement et de la familiarité qu’il obéit sans protester.

 

« - Tu dois t’imaginer que la petite vieille perd un peu les pédales, mais en réalité, je suis un peu soulagée depuis deux jours et tu peux mettre ça sous le coup de la décontraction. »

 

« - C’est à cause de la pierre. »

 

« - Tout juste. Tiens voilà ton thé. Je vais tout te dire, mon pauvre. »

 

« - Mon pauvre…. »

 

« - Tu vas comprendre. Comme je te l’ai dit, la pierre est depuis longtemps dans notre famille. Mais à certains moments, nous devons l’abandonner. Cette pierre porte malheur. Tu peux me croire. »

 

 « - J’ai trouvé trace d’une pierre qui avait appartenu à Raspoutine. C’est un de vos ancêtres. »

 

Elle eut un regard dubitatif et secoua la tête. « Je ne pense pas. Non, ça ne me dit rien ! Mais ça aurait pu, parce le personnage irait bien avec la pierre. Tu sais, ce diamant vient de la planète Mars. »

 

Elle s’interrompit pour juger de l’effet. 

 

« - C’est impossible. D’abord, comment serait-elle arrivée jusqu’ici ? Et puis, ça n’existe pas des pierres maléfiques. C’est de la superstition. »

 

« - Bon, attends, je vais reprendre depuis le début. Cette pierre porte malheur, ça j’en suis sûre. Depuis le plus longtemps que je me souvienne, à chaque conjonction, nous devions nous en séparer. »

 

« - Conjonction ? »

 

« - L’alignement Mars, Vénus et la Terre. Je t’ai dit que la pierre vient de Mars et à épisodes réguliers, Mars vient chercher son dû. Mars, c’est la planète rouge, elle veut du sang. C’est pour ça qu’avant chaque conjonction, nous devons nous en débarrasser. »

 

« - Mais pourquoi est-ce que vous allez la récupérer ensuite ? Vous devriez être contents de vous en être débarrassés. »

 

« - Nous sommes obligés. La pierre nous appartient. Nous devons la reprendre. »

 

Il compris brusquement : « - C’est pour cela que vous êtes venue me la vendre. La conjonction va bientôt avoir lieu. Qu’est ce qu’il est supposé m’arriver ? »

 

« - La conjonction est prévue pour après demain matin, vers 6h. Et quand à toi mon pauvre chéri, tu vas mourir… »

 

« - Je ne suis pas superstitieux ! »

 

« - Je ne sais pas ce que c’est d’être ou de ne pas être superstitieux. Mais je t’ai expliqué qu’à chaque alignement, nous devions nous débarrasser de la pierre, non ? »

 

« - Oui ! »

 

« - Et bien, quand la semaine suivante, nous allions la récupérer. »

 

« - Oui ! »

 

« - C’est toujours avec les héritiers qu’on allait négocier ! »

 

« - Vous voulez dire que… »

 

« - Oui, mon gars, ils avaient tous été écrabouillés, décapités, égorgés… »

 

Il se redressa. « - Dans ce cas, c’est un peu cynique d’être venu me la vendre. »

 

Elle haussa les épaules. « - Quand tu te trimballes avec une telle croix, tu t’en fiches du cynisme ! »

 

« - Alors, redites-moi. Qu’est ce qu’il est supposé m’arriver ? »

 

« - Au mieux, tu vas finir égorgé dans dix huit heures. »

 

« - Je vous ai dit que je n’étais pas superstitieux. »

 

« - Oui, tu n’as pas arrêté de le répéter. J’ai une dernière chose à te dire. A la dernière conjonction, on s’en était débarrassé auprès d’un vieux gars et quelques heures avant l’alignement, il a clamsé. »

 

« - Il est mort ? »

 

« - Oui, il est mort et tu sais quoi ? Il n’avait pas d’héritier. Ce jour là, Mars n’a pas eu sa dose de sang. Alors la planète s’est vengée. »

 

« - Sur vous ? »

 

« - Non, on ne possédait pas la pierre. Suis un peu ! Sur le caillou ! Quand on a retrouvé la pierre chez le macchabée, un morceau avait été cassé.»

 

« - Et c’est pour ça que vous avez du la faire retailler ! Je comprends. »

 

« - Tu comprends vite. Mais t’as été un peu con sur ce coup ! »

 

« - Comment ça ? »

 

« - Tu aurais du racheter la pierre par ta société au lieu de la prendre pour toi. Comme ça, c’est juste ta société qui aurait eu des problèmes. »

 

« - Je vous signale que c’est moi qui possède ma société. »

 

« - Ah, merde, dans ce cas, vous seriez morts tous les deux. Bon je te retiens pas. Pour tes dernières heures à vivre, tu dois avoir des choses à mettre en ordre. Adieu ! Je ne pense pas qu’on soit amené à se revoir.»

 

Pendant qu’elle le raccompagnait à sa voiture, elle reprit : « De toutes façons, je préfères que tu m’aies réglé en espèces. J’aurais pas aimé un chèque. Il aurait pu être sans provision. »

 

Il remonta dans sa voiture assez énervé. « Pourquoi est ce que j’aurais fait un chèque sans provision ? Ma société est saine. C’est assez insultant de penser ça ! »

 

Il rentra chez lui en repensant sans arrêt à cette conversation. Il oscillait entre le fait de traiter tout ça comme des sottises, des balivernes. Puis il repensait à la pierre cassée. Une pierre si dure ! Et les gens sont morts, puisqu’ils allaient chercher la pierre chez leurs héritiers, alors….

 

Tout doucement, malgré ses certitudes, il perdait petit à petit son assurance…

 

Cette nuit là, il n’arriva pas à dormir. Il était incapable de fixer son esprit. Il ne savait pas s’il fallait qu’il garde la pierre ou qu’il essaye de s’en débarrasser. Mais en arrivant sur le petit matin, il avait fini par prendre sa décision : coûte que coûte, il allait tenter de trouver un pigeon pour le diable rouge. Il était maintenant certain qu’il s’agissait du même diamant.  

 

Il descendit dans son atelier et prépara une monture de bague pour le diamant. Puis il sertit la pierre très soigneusement, la disposa sur un plot et la mit en vitrine. Il lui restait quelques heures avant d’ouvrir la boutique et d’appâter un chaland.

 

Malgré tous ses efforts, le gogo idéal ne se présenta que dans la soirée. Il voulait une bague de fiançailles. Celle qui lui fut présentée n’était pas exactement ce qu’il souhaitait, mais le métier du joaillier sut le convaincre de repartir avec. Le client la paya moins de cinq cent euros sans se rendre compte un seul instant de la valeur réelle de l’ensemble. Dés le départ de celui-ci, il rangea le chèque dans sa caisse, ferma la boutique et la première idée qui lui passa par la tête fut de se verser un grand verre de whisky. Son intention était de se saouler.

 

En se resservant un deuxième verre, il pensa à son client et se demanda s’il avait l’intention d’offrir la bague à sa fiancée le soir même. Juste pour savoir celui des deux qui finirait égorgé. Intéressant : s’il offrait la bague le soir même, c’est la poupée qui passait à la casserole, sinon, c’était lui.

 

Plus tard dans la soirée après avoir vomi, il réussit à gagner son lit et trouva le sommeil. Il ne fit pas de cauchemar cette nuit là. Mais il se réveilla en sursaut vers deux heures du matin.

 

 

 

« Chèque sans provision ! » Il venait de comprendre ce qu’avait voulu dire la vieille. Si le chèque était volé ou sans provision, la vente s’annulait d’elle-même. Il restait alors le propriétaire officiel de la pierre. Vraisemblablement, les quatre heures qui le séparaient de la conjonction allaient être les plus longues de son existence. Il espérait simplement que ce ne serait pas les dernières. 

 

 

 

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